A l’occasion de la Semaine Francophone de la critique cinématographique, Thierno Ibrahima DIA a accordé une interview à SEPTIEME MAGAZINE

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Thierno I. DIA

Vitrine électronique de la Fédération de la Critique, Africiné est le plus grand média au monde pour les cinémas africains
Entretien de Steve Kouonang avec Thierno I. Dia, rédacteur en chef et Community Manager d’Africiné (Dakar).

> > – Comment se porte la critique cinématographique en Afrique?
La situation est très contrastée : il y a une longue tradition sur le continent et il existe une fédération (la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique, FACC). Créée en 2004, elle est basée à Dakar, la capitale sénégalaise. la FACC réunit près de 350 critiques de cinéma, répartis dans 33 pays. Les journaux africains et les agences de presse couvrent la grande vitalité des films africains qui sont – en dépit de leur mauvaise perception / communication – dans les grands festivals (Cannes, Toronto, Sundance, Fespaco, Carthage, Venise, Durban, DocLisboa, Rotterdam, Dubaï,…).

En même temps, la culture est le parent pauvre du journalisme africain. De grand quotidiens peuvent paraître sur le continent sans page culture certains jours. Et puis, il y a l’illusion qu’il n’y a pas de films, pas de salles (or à Dakar par exemple, les lieux de diffusion sont très nombreux, même si hélas les salles classiques ne sont plus que deux). Nous profitons de chaque occasion pour former des journalistes (21 en moyenne au fespaco, Burkina, les années impaires depuis 10 ans). Après une grande vitalité, les associations et les critiques africains sont moins actifs pour booster la Fédération, ce qui plombe l’action de cette dernière, surtout pour avoir les moyens de fonctionner.
Africiné, qui est la vitrine électronique de la FACC est le plus grand média au monde uniquement spécialisé dans les cinémas africains et Diaspora, jusqu’à parfois 1 million de pages lues par mois. C’est considérable ; même nos journalistes membres ne semblent pas mesurer le poids que nous représentons pour la visibilité et la circulation de ces cinémas, en intelligence avec Africultures qui est notre partenaire technique et de coeur.

> > – Semaine Francophone de la critique cinématographique, qu’est-ce?
C’est ne pas laisser la place du dialogue des peuples qu’aux politiciens. En marge du XVème Sommet de la Francophonie qui réunit Chefs d’Etats et de Gouvernements francophones, nous avons proposé à la Délégation sénégalaise qui organisait cette rencontre une semaine de projections-débats, tous les soirs à 19h, sans une salle de cinéma. C’est aussi une manière pour nous journalistes, de nous tenir aux côtés de ces opérateurs économiques et culturels, afin de mieux les faire connaître, rappeler que le cinéma n’est pas mort.

> > – Sur quoi ont porté les travaux cette année?
En 2014, nous avons programmé 7 longs métrages et 7 courts métrages, à la fois des films du patrimoine (comme MOSSANE de la réalisatrice Safi et monté par André Davanture) et des films très récents comme TWAAGA du Burkinabè Cédric Ido.

> > – Pouvez-vous nous en faire l’économie?
Chaque projection (long métrage précédé d’un court métrage) était à la fois introduit et suivi d’un débat animé par deux critiques (en présence des réalisateurs parfois).

> > – Quelles en ont été les résolutions?
Il est ressorti qu’il y a une vraie demande de cinéma pour le public qui veut aussi aller plus loin que juste voir un film à l’écran. Le besoin d’un échange éclairé s’est exprimé très fortement lors de cette semaine francophone de la critique, à Dakar. Les professionnels (exploitants, comme distributeurs, réalisateur, producteurs) ont mieux pu percevoir combien la critique était un allié, au-delà des blessures égocentriques que peuvent causer nos plumes. Cela a séduit par exemple Maurice Bandaman, Ministre ivoirien de la culture qui s’est déplacé pour rencontrer notre équipe, accompagné de son cabinet et du Directeur du Cinéma sénégalais, Hugues Diaz. Devant les caméras de la Télévision Nationale du Sénégal, le ministre ivoirien a invité l’équipe de critiques d’Africiné à venir organiser en 2015, à Abidjan, une semaine de cinéma.
Nous savons que nous avons une expérience qui peut être utile à beaucoup de pays, même au Sénégal où nous pensons pérenniser la Semaine, nous avons le souhait que les autorités nous confient l’organisation des RECIDAK (Rencontres Cinématographiques de Dakar) qui se sont arrêtées quand la Fondatrice, Annette Mbaye d’Erneville, l’a remis entre les mains des responsables publics sénégalais.

> > – Quelle impact cette rencontre aura-t-elle sur le développement de la critique cinématographique en Afrique?

L’impact c’est avoir un espace supplémentaire où faire encore la preuve du professionnalisme de la Fédération Africaine de la Critique. Notre ambition était de faire rencontrer critiques du sud et ceux du Nord, les moyens n’ont pas suivi ; néanmoins nous gardons l’idée. Une telle rencontre permet aussi de nous voir, de matérialiser plus concrètement ce merveilleux réseau humain que nous tissons depuis maintenant 10 ans.

> > – Alors que le cinéma africain est quelque peu en crise avec une baisse criante des salles obscures au profit des séries Tv et autres produits du même genre, quel avenir pour la critique cinématographique en Afrique ? Doit-elle s’adapter ou garder ses positions « traditionnelles »?
En France, pays pionnier, le Syndicat de la Critique intègre aussi la télévision. Pour Africiné, le Leader Mondial, cela a été le cas dès notre création. Nous sommes d’abord un média électronique et présent sur les réseaux sociaux (facebook, twitter), donc nous sommes de notre temps et du futur.
Nous devons encourager / médiatiser les politiques de soutien au cinéma, car rappeler que l’expérience d’une salle de cinéma demeure unique. La télévision et l’écran du smartphone ne remplaceront jamais ce formidable moment où on peut être plongé dans le noir à côté d’une personne qu’on a jamais vue et qu’on ne reverra jamais (ou dont peut tomber amoureux qui sait) et partager la même émotion. A une époque où des gens tuent avec une cruauté atroce, militer pour la socialisation donc l’humanisation renfo

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