
Le scénariste Ivoirien raconte avec sa touche d’auteur son aventure Burkinabé et ce qu’il pense en conclusion du Fespaco… dans une chronique qu’il a intitulée « le Fespaco à travers les yeux d’un nouveau-né ». Voici le texte intégral.
Je foule à peine le sol Burkinabé quand j’en ressens déjà l’accueil. La poussière qui le caractérise. Ils me dévisagent tous comme s’ils m’avaient repéré à des kilomètres comme étranger. Les sourires des uns et l’intrigue des autres. Le regard hagard, perdu, je me cherche encore quand j’entends des « vous allez où ? On vous dépose où ? ». Je me sentais presqu’une star devant les flashs des journalistes. En réalité, ce n’était pas les flashs mais le soleil ardent de Ouaga qui me souhaitait la bonne arrivée. Mais bon, je suis partout chez moi en Afrique. Alors, je leur ai répondu « ramenez moi à la maison ». J’ai mis une légère halte pour avoir le prix et j’ai compris que je devais encore travailler mon accent Burkinabè. Il coute moins cher. Une fois à la maison, je me pose, je me débarbouille, je me fais quelques matchs de foot avant la grande messe de ce soir : LA SOIREE DE LANCEMENT !!! Mais quelle beauté ce spectacle ! Il annonce tout de suite les ambitions. Nous n’étions pas nombreux à être déjà là. Cent, deux cent, … mais les maths n’avaient pas leur place, la fête avait déjà démarré.
Dès le lendemain matin, direction le centre-ville, siège du Fespaco pour mon badge. Je traverse mon Afrique. Elle est belle, rayonnante, festive, on se serait cru à Nouvelle Orléans. Je passe la rue des cinéastes à présent. Je suis fier d’en être. Fier d’être la génération future des FADIGA KRAMO LACINE, des SEMBENE OUSMANE, des ALAIN GOMIS, etc… une seule chose en tête : « ne pas quitter Ouaga sans une photo près d’eux ». J’arrive enfin au siège. A ma deuxième demeure. Le voyage était beau mais long… très long et chaud. Pourtant il faut encore braver un long rang. Le village voisin est présent. Tout le monde est là pour la fête. Les hommes à gauche, les femmes à droite. Est-ce sexiste ? Je ne m’y attarde pas. Sécurité oblige « cache-nez, pièce d’identité, veuillez ouvrir votre sac s’il vous plait ». Là encore, j’en prends plein la gueule. J’en oublie presque l’essentiel « monsieur, votre badge s’il vous plait ». Oups ! Je l’avais oublié. Aucun accès à un quelconque espace, sans badge. Le bâtiment est là mais quel bureau ? Je fais le tour jusqu’à un premier bureau, puis un deuxième et c’est gagné ! Badge et kit mais plus de collier dispo. Ça sent déjà les manquements. Mais c’est bon, j’ai mon arsenal, j’entre dans l’arène. Par où commencer ? Ah oui ! Le MICA, tiens. Le premier stand, bien grand, accueillant et en même temps intimidant, c’est MARODI. Mais pas que. Il y a le stand du cinéma Sénégalais, celui d’Orange, de DIFFA, de la Côte d’Ivoire, de la RTI, de la nuit de la série africaine (repère des camerounais), de l’OIF, des télés burkinabés qui enchainent les interviews, une buvette, etc… Mais pas de précipitations. On passe au suivant, la grande salle de conférence. Elle est où d’ailleurs ? Il me faut peut-être sillonner et repérer chaque stand. Je m’y mets. Mais dis donc ! Je vois bien un producteur Malien que je connais déjà. Puis un autre du Burkina, puis un troisième, puis un quatrième, … nous sommes tous là en fait. Le temps de salutations et discussions, il fait déjà bientôt soir. Comme le temps passe vite au Fespaco. Je suis mort de fatigue dès la première journée. Mais surtout, je retiens que le Fespaco va à 100 à l’heure. Pour le suivre, il faut aller à 200 à l’heure. J’ai hâte de faire de nouvelles rencontres à ma deuxième journée.

Le chant du coq ? Non ! Plutôt la bonne odeur de sa cuisson qui me tient debout. Deuxième journée, objectif nouvelles rencontres. J’y suis déjà. Au MICA, après quelques discussions avec la RTI, je me dirige en salle de conférence. On parle de documentaire puis de salles de cinéma en projet de réhabilitation. Quelle bonne nouvelle ! Je suis toute ouïe. En effet, le cinéma « PARADISO » de la Côte d’Ivoire sera le premier d’une longue chaine de rénovation (on l’espère) dont la recherche de financement se tient encore. Allez ! On passe à la salle Yennenga Connexion Fespaco Pro pour écouter CLAIRE DIAO nous parler des ventes et distributions sur les territoires africains et les opportunités en pays anglophones. Très enthousiasmant, non ? Et bien, il a tenu le pari. Elle nous a gratifié de stratégie, conseil qui, au vu de la quantité de question qui lui ont été posées, ont enseigné plus d’un. Et c’est surtout le plaisir de voir cette critique renommée passer à la distribution qui m’intéresse moi. Le Fespaco me met déjà du sucre en bouche. Prochain spectacle, PATHE BC. Oups, il y a confusion. Finalement, on va parler du YAOUNDE FILM LAB. Déjà des perturbations. Absence ? Retard ? Mauvaise programmation ? Quoi qu’il en soit, les plus sceptiques disparaissent de la salle. Je fais un passage au marché du festival mais la pluie soudaine nous inonde et gâche un peu la journée. C’est déjà la fin de journée, il faut penser aussi aux diffusions en salles. Un des moments gratifiants du festival. Je choisis l’Institut Français comme destination. Faut croire que j’aie fait le bon choix. Son espace-terrasse est bondé de grosses têtes du milieu. J’ai un autre rendez-vous avec la célèbre MOUNA NDIAYE après la séance ciné. « Le chant des fusils » de Mr ILBOUDO JEAN ELLIOT était à l’honneur. Il y avait pas mal de monde. Et oui, pour chaque séance cinéma du soir, il y a une queue à en décourager bien plus d’un. Et pourtant, on a affaire à des cinéphiles tenaces. Quel plaisir d’assister à un tel engouement. Après ma séance ciné, direction mon rendez-vous pour des discussions toujours aussi enrichissantes et trois nouveaux contacts obtenus. Journée bien remplie, il faut se vider, faire la fête. Quoi de mieux qu’un concert au « TAXI BROUSSE (le point de repère festif des festivaliers) ».

Nouvelle journée, nouvelle aventure. Je pars à la rencontre de JEANETTE NIEZEN, assistante personnelle de la très respectée productrice et réalisatrice APOLLINE TRAORE. Elle me fait visiter Ouaga et me parle de son cinéma. Comme vous le deviner bien, une journée entière ne peut suffire à parler du cinéma africain. Balade, discussion, je suis en face d’un des métronomes du cinéma Ouagalais. Elle reste dans les coulisses et détient tant. Nous avons fait un tour au Fespaco où elle m’a présenté à du monde avant de m’offrir un bon plat de riz. Après quoi, nous sommes partis à l’ISIS (l’Institut Supérieur de l’Image et du Son). Une conférence de presse s’y tenait avec l’ambassade des USA. Elle me présente une nouvelle recrue. Nous partons déjà. La balade continue jusqu’au soir. Après une rapide collation, je suis déposé au cinéma de CENASA pour la projection du film « MAMI WATTA de SAMANTHA BIFFOT ». Un chef d’œuvre, dit-on. Arrivé trop tard ou trop tôt, je me dirige finalement à l’Institut Français. Une lourde journée de discussion, de découverte mais surtout d’apprentissage. Vais-je pouvoir réellement regarder le film ? Et bien, non ! Il n’y a plus de place. On fait quoi ? On attend le suivant. Mais en attendant, petite causette avec mes amis du soir, VADIENEKA CISSE (Acteur et Assistant de Production) et LAURENE SENECHAL (Productrice à LIKASA). On parle de tout et de rien mais surtout de cinéma. Retour en salle pour regarder « ZALISSA », un court métrage magnifiquement naturel de CARINE BADO. Terminer cette soirée sur une bonne note, c’était nécessaire.
JOUR 4 au Fespaco. Journée contact oblige, je tombe sur du spécial docu. Ce n’est pas ma spécialité mais le FESPACO c’est aussi apprendre. Ce mercredi, EBENEZER KEPOMBIA est au MICA. Je m’attèle vers lui pour échanger quelques mots, obtenir un contact et prendre une photo. Je me sers d’un contact qu’on a en commun comme point de départ pour la conversation. Un ami à moi et expert en Fespaco m’a dit ceci « les producteurs présents ont leurs objectifs et ce n’est pas toi. Par contre, toi tu les as comme objectif. Ils le savent et te voit comme un ralentissement. Alors ils t’esquivent dès que tu les approches. Il te faudra une technique d’approche pour chacun d’eux. Ce sera différent à chaque alors il faudra te munir d’imagination. Pour ton premier Fespaco, fixe toi un objectif de deux contacts par jour ». Cet ami mérite les honneurs. Grâce à lui, j’ai pu obtenir même le contact de la talentueuse TELLA KPOMAHOU. J’ai mes deux contacts du jour. J’en suis même à cinq, après ceux de la veille. Pour se faire, j’ai dû roder et saisir le moment opportun. Une histoire de seconde. Journée à nouveau bien remplie, je pars pour la projection de « LES TROIS LASCARS de BOUBAKAR DIALLO » avec une coproduction ivoirienne de ALMA PRODUCTION. Mais quel délice ce film et quelle fierté. Un futur carton en salle. On nous gratifie même d’une soirée en after. Et là, je vais y rencontrer le géantissime « PHILIPPE LACÔTE ». Généreux qu’il est, il me présente à bien d’autres producteurs. Une soirée parfaite mais pas encore terminée. Là, on est à la terrasse la plus adulée des festivaliers pour les after-work. Toutes les futures collaborations naissent là. J’y découvre de grands passionnés. Un sommeil bien mérité m’ouvre ses bras.

Jeudi, je dis CANAL+. Salle Yennenga Connexion Fespaco pro, ils se présentent à nous avec leurs collaborations. Dont « MAMI WATTA, OASIS, COUPS DE LA VIE, MADAME MONSIEUR, MARODI PROD, etc… ». Ils donnent envie, ils participent au rayonnement du cinéma Africain, ils sont ambitieux. Je veux CANAL. Mais cela attendra. Car un l’illustre JEAN MARIE TENO est dans la place. Les éloges pleuvent mais si le soleil du Fespaco a repris ses droits au-dessus. La salle est bondée de monde. Tous les amoureux du documentaire veulent le voir, l’écouter, apprendre. Et nous en ressortons satisfait. Après une pause bouffe, direction le SILIMANDE pour les séances publiques de Picths. Et là encore, manquement à l’organisation. La séance se passe à l’hôtel PACIFIC. 30 minutes pour trouver un contact qui nous le confirme. J’arrive donc avec un retard considérable avec les bouchons interminables de la ville de Ouaga. J’y retrouve d’anciens amis perdus de vue depuis 2016. C’est un plaisir immence. Mais il est temps pour moi de m’éclipser. A nouveau, direction le TAXI BROUSSE puis un gros som.
Vendredi, tout est permis. Journée open, je me fais un tour au marché du Fespaco. J’ai perdu mes pièces d’identité alors me voici embarqué dans une quête perdue d’avance à nos retrouvailles. Mais comme signe de tout espoir est permis pour le futur du cinéma Africain, je les retrouve. Mais joie est pleine alors ça se fête. Bouffe partie avant de me diriger à la cérémonie de remise des prix spéciaux. La joie des candidats lauréats est immense. Le désespoir se lit sur le visage de ceux qui n’ont pas eu de prix. Mais surtout, l’élément le plus remarquable, la distinction des séries se fait ce soir. Un manque de respect pour les adeptes de série. Selon eux, le cinéma Africain vit encore grâce aux séries. Elles méritent donc d’être présentées au soir de la gracieuse cérémonie de clôture. Bref ! Place à la bouffe. Un menu pour les officiels et un menu pour les autres. Si difficile de frayer un chemin à sa main qui saisira ne serait-ce que des nems. J’ai même reconnu le grand producteur FRANCK VLEHI qui avait lui aussi du mal. La cérémonie était belle et annonçait les couleurs du lendemain. Mais avant, il fallait déstresser en allant regarder « LA FEMME DU FOSSOYEUR de … ». Ce film est juste le plus beau. Il n’a presqu’aucun défaut. Je rentre heureux et plein d’euphorie.

SAMEDI, oui ça me dit ! Dernier jour, cérémonie de clôture ! Toute la matinée, c’est le repos. 14h, présent au Palais des Sports. Un peu tôt, certes, mais il faut repérer les bonnes places. Le reste, ce n’est qu’un show mémorable que je n’oublierai jamais. En conclusion, je dirai en mauvais point que le FESPACO gagnerait à anticiper la question du transport dans la ville, du détail dans l’organisation, de la considération à apporter à la série, et de la question du programme éclaté qui envoie les festivaliers à être soit absent, soit terriblement en retard aux différentes activités. Mais en bon point, le Sénégal a sublimé un titre de parrain qu’on avait fini par négliger. Le DELEGUE a fait montre d’un talent, d’une ténacité et d’une créativité hors-norme. Le pays a brillé par son hospitalité. Et le spectacle était de mise à tous les niveaux. Bref ! J’ai bouclé la boucle en toute liberté au reggae sound vibration de tata
LE FESPACO EST LE PLUS BEAU FESTIVAL ET IL EST A VIVRE !!!

Crédits photos: Mohamed Khalif Souamoro.