Depuis quelques années, le bouquet Canal 2 propose une chaîne de télé dédié au septième art camerounais. Cependant, le slogan de cette chaîne est à des années lumières de ce qu’on en attend.
Il était temps qu’une chaîne dédiée au septième art voit le jour au Cameroun, pourra-t-on se dire. Le voisin nigérian à travers Nollywood Tv et ses consœurs permettait à Nollywood, en plus de nous battre à plates coutures sur le terrain du VCD/DVD, de récidiver avec la télévision. Cependant, la vitrine que Canal 2 Movies se veut être est bien terne et montre ce qu’il est loin d’être une référence.

Le Cameroun a une longue histoire cinématographique et pas des moindres. Un étalon de Yennenga, un étalon d’argent et une longue génération de cinéastes qui soit de manière sporadique, soit de manière constante ont écrit les plus belles pages du cinéma camerounais. Malheureusement, le passage à vide du cinéma camerounais après notamment la fermeture du FODIC (Fonds de Développement de l’Industrie Cinématographique) a vu la fermeture des salles les unes après les autres d’une part et d’autre part l’évanouissement des cinéastes dans la nature. Certains n’ont pas réussi à s’adapter au numérique, n’ont pas compris qu’il pouvaient faire des films avec moins de plusieurs dizaines de millions ou encore qu’il fallait chercher l’argent ailleurs que dans les guichets occidentaux.
L’arrivée du numérique a favorisé la naissance d’une nouvelle vague de cinéastes qui, abandonnés à eux-mêmes tant par l’Etat que par le public torturé par d’autres problèmes a pris son destin en main. L’Etat, sans doute essoufflé par le renflouement sans cesse des caisses d’une industrie budgétivore et elle-même accusée de mourir des suites de détournement des fonds alloués ou de mauvaise gestion.
La nature ayant horreur du vide, cette nouvelle vague a de suite envahi l’espace et commencé à proposer leurs œuvres au public tant bien que mal. Canal 2 Movies, aujourd’hui est dans une suite logique des actes du Groupe Canal 2 qui a révélé au grand public des hommes comme Tagne Condom et Fingon Tralala pour ne citer que ceux-là.
Cependant, Canal 2 Movies voulant être la vitrine du « cinéma camerounais » est loin de l’être. De l’acquisition des œuvres à leur qualité tout semble être plutôt de nature à desservir l’image du 7è art du pays de Jean Pierre Bekolo. Cinéma ou audiovisuel laisse entendre d’abord image et son. Or, de ce point de vue, ce sont des horreurs qui sont plus que souvent servies au public. Des films horriblement éclairés (et c’est un euphémisme) quand ils le sont, des décors quelconques, des cadres qui violent toutes les lois possibles et ne ressemblent à rien, des acteurs qu’on diraient sortis tout droit d’un champ (jeu, diction, attitude, ton), des costumes et des maquillages à vous faire faire un cauchemar en plein jour, des effets spéciaux qui énervent quand ils ne font pas rire, une pratique non-stop des films dits MP3 (un alignement sans arrêt de musiques en fond du générique de début à celui de fin, sans aucun droit ni rapport avec ledit film et qui étouffent ce qui passe pour être des dialogues). Et que dire des scénarios qui manquent de profondeur et même des fondamentaux! Il est regrettable que ce soit ça qui passe pour la référence du « cinéma camerounais ».
D’autre part, dans son système d’acquisition des œuvres, Canal 2 Movies n’aide ni les producteurs indépendants ni l’Etat. Combien de ces films sont détenteurs d’un visa d’exploitation? Ce qui est un manque à gagner énorme pour l’Etat et le ministère de tutelle; tant sur le plan financier que sur le plan statistique. Une œuvre cinématographique, au-delà du divertissement est un produit qui demande un investissement et des financements qu’ils soient privés ou publics. Acquérir une œuvre gratuitement, même avec l’assentiment de l’auteur dans le contexte local n’est pas de nature à aider à la structuration de ce milieu. On dira peut-être que les chaînes de télé n’ont pas de moyens pour acheter les œuvres. Dans ce cas, il y a deux solutions: soit elles arrêtent cette activité, soit elles trouvent des voies et moyen de pratiquer ce métier dans les règles de l’art. Le cinéma au-delà de l’art est une industrie. Et tant que tous les maillons de la chaîne (des auteurs aux diffuseurs) n’auront pas intégré ce paramètre, on continuera d’évoluer dans cette logique de débrouillardise.
Certains diront qu’on a besoin de ce flot venant de toute part pour en sortir le bon grain. Mais rien ne sortira de Babylone tant qu’on n’intégrera pas que le cinéma a des codes et que le pratiquer en amateur comme en professionnel nécessite la formation; qu’elle soit conventionnelle via les universités ou autres programmes ou à l’informel sur des plateaux de tournage qui en sont de vrais.
Le cinéma camerounais malheureusement après le FODIC a entamé une longue traversée du désert dont il a du mal à sortir. Des espaces de diffusion comme Canal 2 Movies sont nécessaires mais doivent se défaire d’une image de diffuseur tous azimuts sans véritable vision. A moins qu’elle ne soit celle-là qu’elle présente. Canal 2 Movies doit, si elle veut véritablement être la vitrine du cinéma camerounais, être plus regardante sur la qualité des œuvres diffusées, sur la qualité des programmes qu’elle propose. Elle pourra ainsi être une référence, l’endroit où il faut être, la chaîne qu’il faut regarder pour avoir le meilleur du cinéma camerounais. Ce qui pour l’instant est loin d’être le cas. Quoi qu’il en soit, en l’état, si Canal 2 Movies est la vitrine du cinéma camerounais, c’est une vitrine bien terne.
La faute à qui? Certainement pas à Canal 2 Movies exclusivement, pour ne pas dire qu’elle l’est plus de la part de ces vidéastes qui ne prennent pas le temps de bien faire.
On ne pourra cependant pas nier que dans le contexte actuel, une chaîne comme Canal 2 Movies est très importante; il fallait y penser. Seulement, il faut penser que le cinéma et l’audiovisuel camerounais sont jugés majoritairement à partir de cette plateforme. Sa responsabilité et sa mission sont énormes et il faut qu’elle se montre à la hauteur des enjeux. Beaucoup de courage à l’équipe et on espère qu’avec le temps, ça s’améliorera considérablement tant dans le contenu que dans la démarche.